Produced by Carlo Traverso, Mireille Harmelin and the

Online Distributed Proofreading Team

JOURNAL DES GONCOURTMÉMOIRES DE LA VIE LITTÉRAIRE

TROISIÈME VOLUME1866-1870.

PARIS, G. CHARPENTIER ET Cie, ÉDITEURS, 11, RUE DE GRENELLE.1888

QUATRIÈME MILLE

JOURNAL DES GONCOURT

ANNÉE 1866

1er janvier.—Le Havre. J'entendais, ce soir, à table d'hôte, descapitaines de vaisseaux marchands, parler, la rougeur au front, du règnede la paix à tout prix de Louis-Philippe, et où le canon français saluaittoujours le premier. Un gouvernement a encore plus besoin qu'un homme, dedonner de lui l'idée qu'il est capable de se battre.

* * * * *

—J'avais bu hier du porto. Voici ce que j'ai rêvé cette nuit.

J'arrivais en Angleterre avec Gavarni. A l'entrée d'un jardin, où sepressait beaucoup de monde, j'ai perdu Gavarni.

Alors je suis entré dans une maison, et je me suis senti transporté,comme par des changements à vue, de pièce en pièce, où des spectaclesextraordinaires m'étaient donnés.

De ces spectacles, je ne me rappelle que cela; le reste avait disparu demoi au réveil,—quoique j'aie gardé une vague conscience que cela avaitduré longtemps, et que bien d'autres scènes s'étaient déroulées dans monrêve. J'étais dans une chambre, et un monsieur, en chapeau noir, donnaitde furieux coups de tête dans les murs, et au lieu de s'y briser la tête,y entrait, en sortait, y rentrait encore. Puis je me trouvais couché dansune grande salle, sur un lit, dont la couverture était faite de deuxfigures pareilles à ces monstrueux masques de grotesques des baraques desaltimbanques, et cette couverture à images en relief se levait ets'abaissait sur moi, et bientôt la couverture ne fut plus faite de cesvisages de carton, mais d'un dessus d'homme et d'un devant de femme,semblables à ces peaux de bêtes dont on fait des descentes de lit, et d'unimmense semis de fleurs, à propos desquelles je faisais la remarque quej'avais la sensation de leurs couleurs, mais non la perception:—lacouleur dans le rêve est comme un reflet dans les idées et non uneréflexion dans l'œil. Et cela aussi, fleurs et couple, s'agitait sur moi,absolument comme les flots de la mer du théâtre, et sur tout mon corps, jesentais un chatouillement dardé.

Après, dans une autre salle, étroite, haute comme une tour, j'étaisattaché par les pieds, la tête en bas, nu, sous une cloche de verre, et ilme tombait sur le corps une masse de petites étincelles, d'une lumièreverdâtre, qui m'enveloppaient la peau, et qui à mesure qu'elles tombaient,me procuraient le sentiment de fraîcheur d'un souffle sur une tempebaignée d'eau de Cologne.

Enfin j'étais lancé, précipité de très haut, et j'éprouvais une volupténon pas douloureuse, mais d'une anxiété délicieuse: il me semblait passerpar des épreuves maçonniques, dont je n'avais pas l'effroi, mais dont lasurprise m'apportait un imprévu saisissant.

C'étaient des jouissances, comme l'émotion d'un péril d'où l'on serait sûrde sortir, et qui vous ferait passer dans le corps un frisson de plaisirpeureux.

* * * * *

—La Normandie est le pays de tous les poncifs: l'architecture gothique,le port de mer, la ferme rustique avec de la mousse sur le toit.

—Balzac a supérieurement compris la mère dans BÉATRIX, dans LES PARENTSPAUVRE

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!