ÉMILE BAUMANN
— ROMAN —
PARIS
BERNARD GRASSET, ÉDITEUR
61, RUE DES SAINTS-PÈRES, 61
1913
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservéspour tous pays.
Copyright by Bernard Grasset, 1913.
DU MÊME AUTEUR
Pour paraître :
Il a été tiré de cet ouvrage :
cinq exemplaires sur Japon
des Manufactures Impériales de Tokio
numérotés de 1 à 5
et vingt exemplaires sur Hollande Van Gelder
numérotés de 6 à 25.
Une édition hors commerce, réimposée in-8o raisin,a été tirée pour la société « Les XX ».
A
SŒUR MARIE DE LA CROIX
du Carmel de V…
ce roman qu’elle ne lira jamais.
E. B.
LE
BAPTÊME DE PAULINE ARDEL
La cathédrale avait l’air triste sous labrume. Ses deux tours austères fixaientl’Occident où le soleil de décembre se coucheraitsans avoir lui. Soumises depuis septcents ans aux hivers enfumés et aux nuéespleurantes, elles se résignaient, jusqu’à ceque, pour leur délivrance, le clairon de l’archangemît debout le Christ de gloire assisentre elles au-dessus du porche et du vitrail.En bas, sur le parvis, bien que ce fût undimanche et que l’heure des vêpres approchât,les passants étaient rares, et ils traversaientvivement comme des provinciaux casaniersqu’attend une maison chaude.
La place se trouvait déserte, lorsqueM. Victorien Ardel, accompagné de sa fillePauline, déboucha de la rue des Quatre-Vents.Tous deux s’avancèrent du côté de lahalle, puis, s’arrêtant, se retournèrent vers lafaçade de l’église, à la façon d’étrangers qui,pour la première fois, l’examinaient.
M. Ardel, agrégé d’histoire, venait d’être,un mois auparavant, nommé professeur àSens. Il n’avait pas encore pris le loisird’étudier la cathédrale ; ce monument le touchaitpeu ; car, étant un esprit fort, il s’évitaitainsi qu’à sa fille la rencontre d’images mystiquesqu’il éliminait de leur commune vie.Néanmoins, par une curiosité d’historien etd’esthète, il s’était décidé, ce dimanche, à neplus différer une visite au reste inoffensivepour son indifférence éprouvée.
Il considéra donc, d’un œil critique, d’abordla tour des cloches, depuis l’étroite et courteogive de la porte jusqu’au campanile octogonalque la Renaissance a vissé tout au sommet.
Pauline la regardait en même temps ; maisquelque chose, dans cette masse hautaine, luidéplaisait : était-ce le relief rude et perpendiculairedes contreforts, la noirceur des abat-son,l’orgueil des pinacles qui surplombentsolitairement l’autre tour décoiffée et tronquée ?Le visage de ces pierres la rebutaitcomme celui d’un justicier rébarbatif.
Son attention, une seconde, s’accrocha auxcinq statues blanches logées à mi-hauteur