PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET Cie
RUE PIERRE-SARRAZIN, No 14
PARIS.--IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET Cie
Rues de Fleurus, 9, et de l'Ouest, 21
Ce volume contient six légendes qui, les unes, sonttirées de la Bibliothèque bleue et, les autres, sont écritesici pour la première fois.
Ces légendes sont: Le roi Dagobert, Geneviève deBrabant, Robert le Diable, Jean de Paris, Griselidis etle Juif errant.
La première et la dernière de ces légendes sontcelles qui ne font pas partie de la Bibliothèque bleue.Toutes les autres y figurent, et à peu près dans l'étatoù nous les avons reproduites.
La Bibliothèque bleue, qui n'est guère connue aujourd'huique par le souvenir, a joué un fort grandrôle dans l'histoire des lectures populaires et desamusements de l'enfance. Pendant plus de deux siècles,le dix-septième et le dix-huitième, elle a été uneencyclopédie toute spéciale des romans, légendes, fabliaux,chansons et satires de notre pays. La couverturebleue qui était la simple parure des diversouvrages dont elle était d'abord composée, invariablementreproduite, avait fini par donner un nom decouleur à ces ouvrages et à la Bibliothèque elle-même,et ce n'était là qu'un nouvel attrait pour l'imaginationdes lecteurs naïfs.
Il y a en effet, et cela se sent surtout lorsqu'on estjeune, un langage particulier dans certains mots quiaffectent un air de mystère. Qu'est-ce qu'un conte bleu?Comment une histoire peut-elle être bleue? Voilà ceque l'enfant demande et ce qui l'étonne. Il s'attache àla recherche de ce problème singulier; il regarde lerécit qui lui est fait comme un récit d'un ordre surnaturel,et un plaisir étrange assaisonne sa lecture.
Je me souviens des jouissances extraordinaires qui,en mon tout jeune âge, me surprenaient devant ceslivres d'une littérature si originale et de toutes manièressi bien faite pour émouvoir l'âme et plaire àl'esprit des enfants ou des villageois. Le titre seul, lavue seule d'un conte bleu me ravissait au milieu deje ne sais quel monde qui n'était pas celui des fées,que je distinguais bien, qui était plus humain, plusvrai, un peu moins bruyant, un peu plus triste, et quej'aimais davantage.
Les contes de fées amusent, mais ils ne charmentpas; les contes bleus, qui donnent moins de gaieté,remuent le coeur. On entre peu à peu, avec ces récits,dans le domaine de l'histoire. Ce sont des mensonges;mais ces mensonges ont, en quelque sorte, des racinesdans la vérité. Il y a des époques peintes, descaractères tracés, et tout un pittoresque naturel dansces légendes qui n'ont fait défaut à aucun peuple. Lavie de nos pères nous apparaît au travers de ces peintures;nous nous la rappelons sans l'avoir connue, et,tout jeunes, nous apprenons à aimer religieusementles hommes d'autrefois.
La Bibliothèque bleue a obtenu un succès incomparable.C'est Jean Oudot, libraire de Troyes, qui dèsles premières années du seizième siècle, sous Henri IV,eut l'idée de recueillir et de publier successivement, àl'usage des campagnes, les légendes chevaleresques dela vieille France.
Le moment était merveilleusement choisi. La vieancienne de la France avait cessé et le travail de transformationcommençait qui allait, au dix-septième siècle,réduire et limiter tout à fait, dans les moeurs etdans la langue, la part des vieilles moeurs et du vieuxlangage. Le moyen âge était enseve