LECTURES ET CONFÉRENCES
DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES
(Séance du 10 avril 1870)

HISTOIRE
DU
CANAL DE SUEZ

PAR
FERDINAND DE LESSEPS

D’après la Sténographie de M. Sabbatier,sténographe au Corps législatif

EXTRAIT DE
L’ÉCHO DES LECTURES ET CONFÉRENCES

Prix : 1 franc

SE VEND AU PROFIT DE LA CAISSE DE RETRAITEDE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

PARIS
PICHON-LAMY ET DEWEZ
LIBRAIRES-ÉDITEURS, 15 RUE CUJAS

1870

IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CH. LAHURE
Rue de Fleurus, 9, à Paris

HISTOIRE
DU
CANAL DE SUEZ

Mesdames et Messieurs,

Je me suis rendu avec empressement à l’aimable invitationde mes collègues de la Société des gens de lettres. D’ailleurs,c’est toujours avec un grand plaisir que je reviens dans cequartier des Écoles. Je ne puis oublier que c’est à l’Écolede médecine que j’ai eu, pour la première fois, l’honneurd’entretenir le public du canal de Suez. J’ai commencé parla jeunesse patriotique et fougueuse, car si l’on a pour soila jeunesse et les femmes, on est sûr de réussir. (Vifs applaudissements.)

Dans cette dernière conférence, je serai heureux de retracerles faits historiques du percement du canal de Suez. Cequi concerne les négociations a été publié ; les conventionsavec le gouvernement égyptien sont connues de tout le monde ;pour le travail des ingénieurs, M. Lavalley a fait des rapportsà la Société des ingénieurs civils. Ces diverses questions ontété bien comprises du public, qui sait par cœur l’isthme deSuez, comme si cet isthme était aux environs de Paris. Je mebornerai donc à vous raconter sommairement les circonstancesqui ont amené ou accompagné l’exécution du canal. Monrécit aura peut-être quelque utilité et pourra servir à ceux quiveulent se rendre compte de l’enchaînement des faits et quiétudient le cœur humain. — Rien n’est logique comme lesfaits. Je vous les dirai sans préparation, et tels qu’ils me reviendrontà la mémoire, ne choisissant que les principaux ouceux qui me paraîtront devoir vous intéresser. (Très-bien !très-bien !)

On me demande tous les jours, dans le monde, commentm’est venue l’idée du canal ; rien d’utile ne se fait sans cause,sans étude et sans réflexion. Un illustre homme d’État,M. Guizot, a dit que le temps ne respectait que ce qu’il avaitfait. C’est après cinq années d’études et de méditations dansmon cabinet, cinq années d’investigations et de travaux préparatoiresdans l’isthme et onze années de travaux d’exécution,que nous sommes arrivés au but de nos efforts.

En 1849, je fus envoyé, par le gouvernement, en missionextraordinaire à Rome, sous l’inspiration du vote d’une Assembléesouveraine. Je devais suivre une ligne de conduitedéterminée par ce vote. Quand l’Assemblée législative remplaçala Constituante, on voulut me faire suivre une autre lignede conduite que je n’ai pas à blâmer, mais que je nepouvais admettre. Ne voulant pas trahir ma mission, j’abandonnaivingt-neuf années de service diplomatique. La politiquem’ayant ainsi fait des loisirs, je me livrai à mes étudespremières sur l’Orient et l’Égypte, tout en me construisantune ferme dans le Berry ; cette situation se prolongea. Beaucou

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