LETTRES A MADEMOISELLE VOLLAND

(1759-1774.)

par

DENIS DIDEROT

dans

ŒUVRES COMPLÈTES DE DIDEROT

REVUES SUR LES ÉDITIONS ORIGINALES
COMPRENANT CE QUI A ÉTÉ PUBLIÉ A DIVERSES ÉPOQUES
ET LES MANUSCRITS INÉDITS
CONSERVÉS A LA BIBLIOTHÈQUE DE L'ERMITAGE
NOTICES, NOTES, TABLE ANALYTIQUE
ÉTUDE SUR DIDEROT
PAR J. ASSÉZAT ET MAURICE TOURNEUX
TOME DIX-HUITIÈME ET DIX-NEUVIÈME
PARIS
GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
6, RUE DES SAINT-PÈRES, 6
1876

[Pg 339]

NOTICE PRÉLIMINAIRE

Vers 1753, Diderot était enfin célèbre. L'homme «sans qualité quifaisait le bel esprit et trophée d'impiété», dénoncé par l'abbéPierre Hardy, curé de Saint-Médard, «le garçon plein d'esprit maisextrêmement dangereux» qu'un exempt signalait au lieutenant de policeBerryer[1], tenait, sans conteste, à Paris, le premier rang dans lasecte philosophique. La publication de l'Encyclopédie se poursuivaità travers travers obstacles. La famille de Diderot semblait seule luigarder rancune de l'éclat qu'il jetait sur un nom si longtemps obscur,lorsque le vieux coutelier de Langres, «dont l'âge et la faible santéne promettaient promettaient une longue vie», désira tout à couprevoir sa bru et embrasser Marie-Angélique, l'unique enfant qui restaità son fils. «J'avais quatre ou cinq ans, dit Mme de Vandeul; pendantles trois mois que nous restâmes restâmes en Champagne, mon père selia avec Mme Volland, veuve d'un financier; il prit pour sa fille unepassion qui a duré jusqu'à la mort de l'un et de l'autre.» Diderotavait quarante-deux ans et cette passion si profonde n'était pas lapremière.

Tout jeune, il avait rôdé autour du comptoir de Mlle Babuty, cettejolie enfant qui devait faire à Greuze une si lamentable vieillesse,mais qui n'était alors pour le philosophe qu'une gentille voisinedont il se plaisait à faire rougir les joues fraîches. Regardezplutôt ce délicieux croquis dont pas un peintre ne s'est encoreinspiré: «Elle occupait une petite boutique de libraire sur le quaides Augustins[2], poupine, blanche et droite comme le lis, vermeillecomme la rose. J'entrais avec cet air vif, ardent et fou que j'avais,et je lui disais:» Mademoiselle, les Contes [Pg 340]de La Fontaine,un Pétrone, s'il vous plaît.—Monsieur, les voilà; ne vous faut-ilpoint d'autres livres? Pardonnez-moi, mademoiselle, mais...—Ditestoujours.—La Religieuse en chemise.—Fi donc! monsieur, est-ce qu'ona, est-ce qu'on lit ces vilenies-là?—Ah! ah! ce sont des vilenies,mademoiselle, moi, je n'en savais rien... «Et puis un autre jour,quand je repassais, elle souriait et moi aussi.» Il avait soupiréun moment pour une danseuse de l'Opéra, la Lionnais, qui le guérit àson propre insu d'un amour naissant, en effaçant avec de la craie lestaches de ses bas.» Chaque tache enlevée, disait plus tard Diderot àsa fille, diminuait ma passion et à la fin de sa toilette, mon cœur futaussi net que sa chaussure. «On connaît par Mme de Vandeul le doux ethonnête roman des amours de son père et de sa mère. Cette union, sidifficilement obtenue, fut troublée, au bout de dix-huit mois, par laliaison que Diderot contracta avec Mme de Puisieux, lors du premiervoyage de sa femme à Langres. Mme de Puisieux lui fit vraisemblab

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