Les ombres empourprées de soir s'étendaient sur la campagne.
Le soleil s'était couché derrière les lointaines hauteurs de Quantock etde Brendon quand la colonne d'infanterie, que formaient nos rudespaysans, traversa de son pas lourd Curry Revel, Wrantage et Hendale.
De tous les cottages situés sur le bord de la route, de toutes lesfermes aux tuiles rouges, les paysans sortaient en foule sur notrepassage, portant des cruches pleines de lait ou de bière, échangeant despoignées de mains avec nos rustauds, les pressant d'accepter des vivresou des boissons.
Dans les petits villages, jeunes et vieux accouraient en bourdonnant,pour nous saluer, et poussaient des cris prolongés et sonores enl'honneur du Roi Monmouth et de la Cause protestante.
Les gens, qui restaient à la maison, étaient presque tous des vieillardset des enfants, mais çà et là un jeune laboureur que l'hésitation ouquelques devoirs avaient retenu, était si enthousiasmé de notre airmartial, des trophées visibles de notre victoire, qu'il s'emparait d'unearme et se joignait à nos rangs.
L'engagement avait diminué notre nombre, mais il avait produit un grandeffet moral et fait de notre cohue de paysans une véritable troupe desoldats.
L'autorité de Saxon, les phrases braves et âpres où il distribuaitl'éloge ou le blâme, avaient produit plus encore.
Les hommes se disposaient en un certain ordre et marchaient d'un pasalerte en corps compact.
Le vieux soldat et moi, nous chevauchions en tête de la colonne, MasterPettigrue cheminant toujours à pied entre nous.
Puis, venait la charrette chargée de nos morts.
Nous les emportions avec nous pour leur assurer une sépulture décente.
Ensuite marchaient une quarantaine d'hommes armés de faux et defaucilles, portant sur l'épaule leur arme primitive et précédant lechariot où se trouvaient nos blessés.
Après venait le gros de la troupe des paysans.
L'arrière-garde était composée de dix ou douze hommes sous les ordres deLockarby et de Sir Gervas.