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LES FEMMES DE PROIE

MADEMOISELLE

CACHEMIRE

EN PRÉPARATION

DU MÊME AUTEUR:

CAMILLE DESMOULINS et LES DANTONISTES, essai surla Révolution française (1789-1794), 1 vol. in-8o.

Coulommiers.—Typ. de A. MOUSSIN.

LES FEMMES DE PROIE

MADEMOISELLE
CACHEMIRE

PAR

JULES CLARETIE

Logo éditeur

PARIS

E. DENTU, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES GENS DE LETTRES

PALAIS-ROYAL, 17 ET 19, GALERIE D'ORLÉANS

1867

Tous droits réservés

A JULES LEVALLOIS


Voilà plusieurs jours déjà que je suis à Florence. C'est loin de Paris,mon ami! Il n'y a pas seulement les Alpes et les Apennins entre lesboulevards et les Cascine, il y a un monde. Monde d'idées, monde defaits. Tout s'agite ici; là-bas, dirait-on, tout est calme. J'entendspasser sous mes fenêtres des chants de joie, des hymnes de guerre. Lemot de liberté traverse l'air du matin au soir, et c'est le premier nomqui m'éveille. Ah! ce n'est plus la Femme à barbe! Ces Italiens sonten retard.

Ils vont se battre, paraît-il, ils partent. Je vois passer lesvolontaires avec leurs sœurs qui pleurent et leurs pauvres mères quiont les yeux rouges. Ils marquent le pas, ne disent rien, mais ilssavent où ils vont. On pourra les vaincre—la guerre a ses destins—maisils sauront mourir. Ce sont là d'étranges spectacles et je n'y suis pashabitué. Quelle antithèse! Et—pour la première fois peut-être—envoyage je ne regrette point Paris. C'est à lui pourtant que je pense etc'est lui que j'ai voulu peindre—une de ses mille faces tout aumoins—dans un livre que je suis heureux de vous dédier et que jesouhaiterais plus digne de vous. Paris? Il est là-bas, avec sestournoiements, ses mugissements, sa perpétuelle agitation, sa fièvreéternelle. Il va et vient, s'agite, se démène, vit à grands guides, rità grosse voix, s'excite, s'irrite, s'éperonne et s'époumonne. Il y a,dirait-on, un peu de tétanos dans son cas. Je le vois ainsi, du moins,épileptique et fou, et c'est de la sorte que je l'ai présenté. L'imagene séduira pas tout le monde. Il est évident qu'un pastel est plusaimable et beaucoup plus poli qu'un miroir. Mais je réponds de laplupart des traits.

Qui sait? Vous m'accuserez peut-être, mon cher ami, d'avoir à plaisirbroyé le bitume et poussé au noir, vous qui regardez les choses de loinet qui de Paris ne voyez plus que l'immense figure, couchée là-bas, sousle vaste ciel, toute de marbre, dirait-on, éclatante et fière, blanchepar les jours de soleil. C'est de Montretout que vous contemplez lespectacle. Les cris de forcenés lorsqu'il vous parviennent à Saint-Cloudont eu le temps de s'adoucir; l'âcre senteur de boudoirs et d'usines, derestaurants et d'écuries, s'est saturée des parfums sains des arbres, del'eau, de la terre retournée. Puis, à deux pas, la forêt vous console.Vous avez vos livres et vos fourmis,

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