MÉMOIRES
DE LUTHER
IMPRIMERIE DE DUCESSOIS,
Quai des Augustins, 55.
ÉCRITS PAR LUI-MÊME,
TRADUITS ET MIS EN ORDRE
PAR M. MICHELET,
PROFESSEUR A L'ÉCOLE NORMALE, CHEF DE LA SECTION HISTORIQUEAUX ARCHIVES DU ROYAUME,
suivis d'un
Essai sur l'Histoire de la Religion,
ET DES BIOGRAPHIES
DE WICLEFF, JEAN HUSS, ÉRASME, MÉLANCHTON, HUTTEN,
ET AUTRES
PRÉDÉCESSEURS ET CONTEMPORAINS
DE LUTHER.
TOME DEUXIÈME.
PARIS.
CHEZ L. HACHETTE,
Libraire de l'Université de France,
RUE PIERRE-SARRAZIN, 12.
1837
MÉMOIRES
DE LUTHER
Les Turcs. Danger de l'Allemagne.—Augsbourg,Smalkalde. Danger du protestantisme.
Luther fut tiré de son abattement et ramenéà la vie active par les dangers qui menaçaient laRéforme et l'Allemagne. Lorsque ce fléau de Dieu,qu'il attendait avec résignation comme le signedu Jugement, fondit en effet sur l'Allemagne,lorsque les Turcs[a1] vinrent camper devant Vienne,2Luther se ravisa, appela le peuple aux armes, etfit un livre contre les Turcs, qu'il dédia au landgravede Hesse. Le 9 octobre 1528 il écrivit à ceprince, pour lui exposer les motifs qui l'avaientdécidé à composer ce livre. «Je ne puis me taire,dit-il; il est malheureusement parmi nous desprédicateurs qui font croire au peuple qu'on nedoit point s'occuper de la guerre des Turcs; il yen a même d'assez extravagans pour prétendre,qu'en toutes circonstances, il est défendu auxchrétiens d'avoir recours aux armes temporelles.D'autres encore, qui regardant le peuple allemandcomme un peuple de brutes incorrigibles,vont jusqu'à désirer qu'il tombe au pouvoir desTurcs. Ces folies, ces horribles malices, sontimputées à Luther et à l'Évangile, comme, il ya trois ans, la révolte des paysans, et en généraltout le mal qui arrive dans le monde. Il est doncurgent que j'écrive à ce sujet, tant pour confondreles calomniateurs, que pour éclairer lesconsciences innocentes sur ce qu'il faut fairecontre le Turc...»
«Nous avons appris hier que le Turc est partide Vienne pour la Hongrie, par un grand miraclede Dieu. Car après avoir livré inutilement levingtième assaut, il a ouvert la brèche par unemine en trois endroits. Mais rien n'a pu ramenerson armée à l'attaque, Dieu l'avait frappée de3terreur; ils aimaient mieux se laisser égorger parleurs chefs que de tenter ce dernier assaut. Oncroit qu'il s'est retiré ainsi de peur des bombardeset de notre future armée; d'autres en jugentautrement. Dieu a manifestement combattu pournous cette année. Le Turc a perdu vingt-six millehommes, et il a péri trois mille des nôtres dansles sorties. J'ai voulu te communiquer ces nouvelles,afi