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Alphonse Daudet

NUMA ROUMESTAN

Moeurs Parisiennes

(1881)

Table des matières

Alphonse Daudet
NUMA ROUMESTAN
Moeurs Parisiennes
I AUX ARÈNES
II L'ENVERS D'UN GRAND HOMME
III L'ENVERS D'UN GRAND HOMME (Suite)
IV UNE TANTE DU MIDI — SOUVENIRS D'ENFANCE
V VALMAJOUR
VI MINISTRE!
VII PASSAGE DU SAUMON
VIII REGAIN DE JEUNESSE
IX UNE SOIRÉE AU MINISTÈRE
X NORD ET MIDI
XI UNE VILLE D'EAUX
XII UNE VILLE D'EAUX (Suite)
XIII LE DISCOURS DE CHAMBERY
XIV LES VICTIMES
XV LE SKATING
XVI AUX PRODUITS DU MIDI
XVII LA LAYETTE
XVIII LE PREMIER DE L'AN
XIX HORTENSE LE QUESNOY
XX UN BAPTÊME

À ma chère femme

«… Pour la seconde fois, les Latins ont conquis la Gaule…»

I

AUX ARÈNES

Ce dimanche-là, un dimanche de juillet chauffé à blanc, il yavait, à l'occasion du concours régional, une grande fête de jouraux arènes d'Aps-en-Provence. Toute la ville était venue: lestisserands du Chemin-Neuf, l'aristocratie du quartier de laCalade, même du monde de Beaucaire.

«Cinquante mille personnes au moins!» disait le Forum dans sachronique du lendemain; mais on doit tenir compte de l'enflureméridionale.

Le vrai, c'est qu'une foule énorme s'étageait, s'écrasait sur lesgradins brûlés du vieil amphithéâtre, comme au beau temps desAntonins, et que la fête des comices n'était pour rien dans cedébordement de peuple. Il fallait autre chose que les courseslandaises, les luttes pour hommes et demi-hommes, les jeux del'étrange-chat et du saut sur l'outre, les concours de flûtetset de tambourins, spectacles locaux plus usés que la pierre roussedes arènes, pour rester deux heures debout sur ces dallesflambantes, deux heures dans ce soleil tuant, aveuglant, àrespirer de la flamme et de la poussière à odeur de poudre, àbraver les ophtalmies, les insolations, les fièvres pernicieuses,tous les dangers, toutes les tortures de ce qu'on appelle là-basune fête de jour.

Le grand attrait du concours, c'était Numa Roumestan.

Ah! le proverbe qui dit: «Nul n'est prophète…» est certainementvrai des artistes, des poètes, dont les compatriotes sont toujoursles derniers à reconnaître la supériorité, toute idéale en sommeet sans effets visibles; mais il ne saurait s'appliquer aux hommesd'État, aux célébrités politiques ou industrielles, à ces fortesgloires de rapport qui se monnayent en faveurs, en influences, sereflètent en bénédictions de toutes sortes sur la ville et surl'habitant.

Voilà dix ans que Numa, le grand Numa, le député leader de toutesles droites, est prophète en terre de Provence, dix ans que, pource fils illustre, la ville d'Aps a les tendresses, les effusionsd'une mère, et d'une mère du Midi, à manifestations, à cris, àcaresses gesticulantes. Dès qu'il arrive, en été, après lesvacances de la Chambre, dès qu'il apparaît en gare, les ovationscommencent: les orphéons sont là, gonflant sous des choeurshéroïques leurs étendards brodés; des portefaix, assis sur lesmarches, attendent que le vieux carrosse de famille, qui vientchercher le leader, ait fait trois tours de roues entre les largesplatanes

...

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