Docteur ès sciences, Lauréat de l'Institut
(Académie des Sciences et Académie des Sciences morales)
Directeur du laboratoire de psychologie physiologique de la Sorbonne
(Hautes-Études)
Avec 32 figures et 2 planches hors texte.
1900
À
JACQUES PASSY
19 mars 1864.—22 novembre 1898
Apprécier la suggestibilité d'une personne sans avoirrecours à l'hypnotisation ou à d'autres manoeuvres analogues,tel est, aussi brièvement indiqué que possible, lesujet de ce livre.
Il suffit de réfléchir un moment pour comprendre tousles avantages de cette séparation entre l'étude de l'hypnotismeet celle de la suggestion. Quoi que l'on pense del'hypnotisme,—et quant à moi j'estime que c'est uneméthode de premier ordre pour la pathologie mentale—ilest incontestable que cette méthode d'expérimentation quiconstitue une main-mise sur un individu, présente desinconvénients pratiques très graves: elle ne réussit pas cheztoutes les personnes, elle provoque chez quelques-unes desphénomènes nerveux importants et pénibles, et en outreelle donne aux sujets des habitudes d'automatisme et deservilité qui expliquent que certains auteurs, Wundt enparticulier, aient considéré l'hypnotisme comme une immoralité.C'est pour cette raison que les pratiques en ont étésévèrement interdites dans les écoles et dans l'armée, et jecrois cette mesure excellente: l'hypnotisation doit rester, àmon avis, une méthode clinique.
Jusque dans ces cinq dernières années, hypnotisme etsuggestion étaient termes presque synonymes; on ne faisaitde la suggestion que sur des sujets préalablement hypnotisés,ou bien, si l'on essayait de faire de la suggestion àl'état de veille, c'était exactement par les mêmes procédésque ceux de l'hypnotisme, c'est-à-dire par des affirmationsautoritaires amenant une obéissance automatique du sujetet suspendant sa volonté et son sens critique.
Les méthodes nouvelles que je vais décrire n'ont, je crois,aucun rapport pratique avec l'hypnotisme; ce sont essentiellementdes méthodes pédagogiques: et j'ai pu lesemployer pendant plusieurs mois de suite dans les écoles,sous l'oeil attentif des maîtres, sans éveiller chez euxla moindre crainte que leurs élèves fussent l'objet demanoeuvres d'hypnotisation; c'est qu'en effet ces méthodesne provoquent pas plus d'émotion ou de trouble chez lessujets qu'un exercice de dictée ou de calcul. Je dirai plus:ces expériences peuvent rendre de grands services auxélèves, si on a le soin de leur expliquer, quand le résultatest atteint, quel est le but qu'on se proposait, si on leurmet sous les yeux l'erreur qu'ils ont commise, si on leurindique pourquoi ils ont commis cette erreur, commentils ont manqué d'attention; c'est une leçon de choses, eten même temps une leçon morale dont l'enfant profite souvent,j'en ai eu la preuve, car j'en ai vu plusieurs qui, àchaque épreuve, apprenaient à se corriger et devenaientmoins suggestibles.
Certes, ce n'est pas seulement aux enfants que cette leçonserait salutaire, mais surtout aux adultes, qui trop souvent,comme on l'a vu dans ces derniers temps, perdent l'habituded'exercer leur sens critique, de se faire une opinionpersonnelle et raisonnée, et se laissent servilement suggestionnerpar les polémiques de presse!
HISTORIQUE
Toutes les fois qu'on cherche à classer les caractèresd'une manière utile, d'après des observations réelles et nond'après des idées a priori, on est amené à faire une largepart à la suggestibilité. Tissié utilisant les remarques qu'ila faites