Madame
SANS-GÊNE
ÉMILE COLIN—IMPRIMERIE DE LAGNY
EDMOND LEPELLETIER
ROMAN TIRÉ DE LA PIÈCE
DE MM. VICTORIEN SARDOU ET ÉMILE MOREAU
La Maréchale
PARIS
A LA LIBRAIRIE ILLUSTRÉE
8, RUE SAINT-JOSEPH, 8
Tous droits réservés
MADAME
SANS-GÊNE
Doucement, discrètement, la porte d’une élégantechambre à coucher dépendant des appartementsde Saint-Cloud, s’entr’ouvrit.
[1]L’épisode qui précède a pour titre: Madame Sans-Gêne—LaBlanchisseuse.
Une femme de chambre passa le bout de sonmuseau rose et futé dans l’entrebâillement et,s’approchant d’un lit Jacob, à vastes bateaux d’acajou,coiffé d’une couronne d’où tombaient deux2grands rideaux à ramages, dit, en mesurant lavoix:
—Madame la maréchale!... madame la maréchale!...voici dix heures!...
Une voix forte, un peu enrouée, sortit de laprofondeur des rideaux:
—Nom de Dieu!... on ne peut donc pas dormirtranquille dans ce palais de carton!...
—Excusez-moi, madame la maréchale, maismadame la maréchale avait bien recommandéqu’on l’éveillât à dix heures...
—Déjà dix heures!... Ah! fichue paresseuseque je suis!... j’avais pourtant l’habitude autrefois,quand j’étais blanchisseuse, de me levermatin... et puis aussi, au régiment, à la cantine,je n’attendais pas que la diane sonnât deux foispour me dégourdir les jambes... Mais à présentque je suis Madame la maréchale, je ne peux plussortir du portefeuille... Allons, vite, Lise, passe-moimon peignoir...
Et celle que la femme de chambre avait appeléeMadame la maréchale, se jeta hors du lit, jurantcomme un grenadier, parce qu’elle ne trouvaitpas ses bas où elle les avait lancés la veille, en sedéshabillant.
Lise les lui tendait, elle ne les voyait pas. Danssa précipitation, en chemise, pieds nus, elle semit à courir par la chambre, bousculant tout,sacrant et grommelant.
3La femme de chambre put enfin la rejoindre etlui présenter ses bas, qu’elle se décida à enfiler,non sans se tromper de jambe.
C’est qu