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ŒUVRES COMPLÈTES DE J. MICHELET

HISTOIRE
DE FRANCE

MOYEN ÂGE

ÉDITION DÉFINITIVE, REVUE ET CORRIGÉE

TOME QUATRIÈME

PARIS
ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
26, RUE RACINE, PRÈS L'ODÉON
Tous droits réservés.

IMPRIMERIE E. FLAMMARION, 26, RUE RACINE, PARIS.

(p. 1) HISTOIRE DE FRANCE

LIVRE VII

CHAPITRE PREMIER

Jeunesse de Charles VI (1380-1383).

Si le grave abbé Suger et son dévot roi Louis VII s'étaient éveillés, dufond de leurs caveaux, au bruit des étranges fêtes que Charles VI donnadans l'abbaye de Saint-Denis, s'ils étaient revenus un moment pour voirla nouvelle France, certes, ils auraient été éblouis, mais aussi surpriscruellement; ils se seraient signés de la tête aux pieds et bienvolontiers recouchés dans leur linceul.

Et en effet, que pouvaient-ils comprendre à ce spectacle? En vain ceshommes des temps féodaux, studieux contemplateurs des signeshéraldiques, auraient parcouru des yeux la prodigieuse bigarrure desécussons (p. 2) appendus aux murailles; en vain ils auraient cherché lesfamilles des barons de la croisade qui suivirent Godefroi ouLouis-le-Jeune; la plupart étaient éteintes. Qu'étaient devenus lesgrands fiefs souverains des ducs de Normandie, rois d'Angleterre, descomtes d'Anjou, rois de Jérusalem, des comtes de Toulouse et dePoitiers? On en aurait trouvé les armes à grand'peine, rétréciesqu'elles étaient ou effacées par les fleurs de lis dans les quarante-sixécussons royaux. En récompense, un peuple de noblesse avait surgi avecun chaos de douteux blasons. Simples autrefois comme emblèmes des fiefs,mais devenus alors les insignes des familles, ces blasons allaients'embrouillant de mariages, d'héritages, de généalogies vraies oufausses. Les animaux héraldiques s'étaient prêtés aux plus étrangesaccouplements. L'ensemble présentait une bizarre mascarade. Les devises,pauvre invention moderne[1], essayaient d'expliquer ces noblessesd'hier.

Tels blasons, telles personnes. Nos morts du douzième siècle n'auraientpas vu sans humiliation, que dis-je! sans horreur, leurs successeurs duquatorzième. Grand eût été leur scandale, quand la salle se seraitremplie des monstrueux costumes de ce temps, des immorales etfantastiques parures qu'on ne craignait pas de porter. D'abord deshommes-femmes, gracieusement attifés, et traînant mollement des robes dedouze aunes; d'autres se dessinant dans leurs jaquettes de Bohème avecdes chausses collantes, mais leurs (p. 3) manches flottaient jusqu'àterre. Ici, des hommes-bêtes brodés de toute espèce d'animaux; là deshommes-musique, historiés de notes[2], qu'on chantait devant ouderrière, tandis que d'autres s'affichaient d'un grimoire de lettres etde caractères qui sans doute ne disaient rien de bon.

Cette foule tourbillonnait dans une espèce d'église; l'immense salle debois qu'on avait construite en avait l'aspect. Les arts de Dieu étaientdescendus complaisamment aux plaisirs de l'homme. Les ornements les plusmondains avaient pris les formes sacrées. Les sièges des belles damessemblaient de petites cathédrales d'ébène, des châsses d'or. Les voilesprécieux que l'on n'eût jadi

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