Produced by Sue Asscher, Walter Debeuf, Patrick Narzul, Marie Lebert and David Widger
Cependant Mme Bontemps qui avait dit cent fois qu'elle ne voulait pasaller chez les Verdurin, ravie d'être invitée aux mercredis, était entrain de calculer comment elle pourrait s'y rendre le plus de foispossible. Elle ignorait que Mme Verdurin souhaitait qu'on n'en manquâtaucun; d'autre part, elle était de ces personnes peu recherchées, quiquand elles sont conviées à des «séries» par une maîtresse de maison,ne vont pas chez elle comme ceux qui savent faire toujours plaisir,quand ils ont un moment et le désir de sortir; elles, au contraire, seprivent par exemple de la première soirée et de la troisième,s'imaginant que leur absence sera remarquée et se réservent pour ladeuxième et la quatrième; à moins que leurs informations ne leur ayantappris que la troisième sera particulièrement brillante, elles nesuivent un ordre inverse, alléguant que «malheureusement la dernièrefois elles n'étaient pas libres». Telle Mme Bontemps supputait combienil pouvait y avoir encore de mercredis avant Pâques et de quelle façonelle arriverait à en avoir un de plus, sans pourtant paraîtres'imposer. Elle comptait sur Mme Cottard, avec laquelle elle allaitrevenir, pour lui donner quelques indications. «Oh! Madame Bontemps,je vois que vous vous levez, c'est très mal de donner ainsi le signalde la fuite. Vous me devez une compensation pour n'être pas venuejeudi dernier... Allons rasseyez-vous un moment. Vous ne ferez tout demême plus d'autre visite avant le dîner. Vraiment vous ne vous laissezpas tenter? ajoutait Mme Swann et tout en tendant une assiette degâteaux: Vous savez que ce n'est pas mauvais du tout ces petitessaletés-là. Ça ne paye pas de mine, mais goûtez-en, vous m'en direz desnouvelles.—Au contraire, ça a l'air délicieux, répondait MmeCottard, chez vous, Odette, on n'est jamais à court de victuailles. Jen'ai pas besoin de vous demander la marque de fabrique, je sais quevous faites tout venir de chez Rebattet. Je dois dire que je suis pluséclectique. Pour les petits fours, pour toutes les friandises, jem'adresse souvent à Bourbonneux. Mais je reconnais qu'ils ne saventpas ce que c'est qu'une glace. Rebattet, pour tout ce qui est glace,bavaroise ou sorbet, c'est le grand art. Comme dirait mon mari, le necplus ultra.—Mais ceci est tout simplement fait ici. Vraiment non?—Jene pourrai pas dîner, répondait Mme Bontemps, mais je me rassiedsun instant, vous savez, moi j'adore causer avec une femme intelligentecomme vous.—Vous allez me trouver indiscrète, Odette, maisj'aimerais savoir comment vous jugez le chapeau qu'avait Mme Trombert.Je sais bien que la mode est aux grands chapeaux. Tout de même n'ya-t-il pas un peu d'exagération. Et à côté de celui avec lequel elleest venue l'autre jour chez moi, celui qu'elle portait tantôt étaitmicroscopique.—Mais non je ne suis pas intelligente, disait Odette,pensant que cela faisait bien. Je suis au fond une gobeuse, qui croittout ce qu'on lui dit, qui se fait du chagrin pour un rien.» Et elleinsinuait qu'elle avait, au commencement, beaucoup souffert d'avoirépousé un homme comme Swann qui avait une vie de son côté et qui latrompait. Cependant le Prince d'Agrigente ayant entendu les mots: «Jene suis pas intelligente», trouvait de son devoir de protester, maisil n'avait pas d'esprit de répartie. «Taratata, s'écriait MmeBontemps, vous pas intelligente!—En effet je me disais: «Qu'est-ceque j'entends?» disait le Prince en saisissant cette perche. Il fautque mes oreilles m'aient trompé.—Mais non, je vous assure, disaitOdette, je suis au fond une petite bourgeoise tr