LE LIVRE
DE
L’ÉMERAUDE
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y compris la Suède, la Norvège et la Hollande.
A. SUARÈS
PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
3, RUE AUBER, 3
Amico Meo
MAVR. POTTECHER
LOTTHARIG.
HVNC SVVM LIBRVM
GRATO ANIMO ET LIBENTER QVONDAM DEDICAV.
ANDR. SVAR. BRITT.
D. P. Q. E.
die VII a. Id. dec. ann.
MCM
Je dédie ces reflets d’elle-même à la pierre forte entre toutes, verteet précieuse, d’un cher pays. Et je ne saurais dire, dans l’amour que jelui porte, si j’en ai plus reçu le sang, ou si j’ai plus voulu l’yreconnaître, comme en l’objet que la prédilection choisit.
On est d’où l’on veut être. La fatalité du cœur vaut bien les autres. Iln’est point de lieu où elle ne suffise à rapatrier l’homme. Car, à l’âgeoù il est venu, qui peut fixer d’où il n’est pas, si son cœur ne faitchoix d’où il est?—Notre esprit nous disperse entre toutes les demeuresdu monde. Mais il en est une ou deux, où notre passion nous ramène.Elle en a des raisons puissantes et obscures: ce qu’il y a de plus fortdans l’homme est ce qu’on n’y voit pas.
Il n’est point juste de croire que l’homme reste l’esclave de sesatomes, au même titre qu’un cristal ou qu’une roche. L’homme n’est pastout entier dans les éléments qui le composent: il en est d’abord laforme. La volonté ni le choix ne sont pas un néant, alors qu’on fait untout de la race,—cette forme abstraite.
La puissance de la race est en raison de la faiblesse des personnes.L’homme puissant accepte les legs de la nature, mais n’en est pointaccablé. Il ne consent point à être le serf de la misère, ni même de larichesse qu’il hérite. Sans quoi, rien de plus grand ne se fût jamais vuà la suite de ce qui avait été.
Le royaume des esprits est réglé de toute éternité: mais l’illusion d’unordre libre lui est permise: c’est celle de la nouveauté. Il en est ducœur de l’homme, comme de la loi qui régit la succession à l’empire: leCésar romain est libre de choisir le fils qu’il préfère; la rigueur del’ordre est tempérée par l’adoption.
La vertu de la race est exquise et toute forte dans les âmes les plussimples. Et, en elles, c’est la race qui, vraiment, a seule toutes lesvertus. Mais enfin, il est digne de l’homme, et même il plaît à l’ironiedes dieux, que l’individu le plus puissant, où la race accomplit sesvœux séculaires, et sa beauté parfaite, soit justement celui qui sortede la race comme d’une pirson, et qui tende à une perfection, où elleentre, sans suffire à la faire.
Voilà ce que tant d’hommes excellents et presque divins,—quand même ilsne sont pas des dieux pour tous les hommes,—ont osé montrer parl’exemple. En eux, la nature a fait voir l’audace unique, qui