HENRI BACHELIN

LA BANCALE

ROMAN

NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
78, RUE D’ASSAS, PARIS
1910

DU MÊME AUTEUR :

  • Horizons et Coins du Morvan. — Mercure de France. 1904.Cahiers Nivernais. 1909.
  • Pas-comme-les-autres. — Floury 1906.
  • Les manigants. — Floury 1907.
  • Jules Renard. — Mercure de France. 1909.
  • Robes noires. — Grasset. 1910.

POUR PARAITRE :

  • Les Sports aux Champs, fables.
  • Contes Timides.

EN PRÉPARATION :

  • Le Fils du Charpentier, roman.

A L’AUTEUR DE MARTHE BARAQUIN.

I

Elle attend avec impatience les Dimanches clairs etchauds. Ils tombent du ciel comme des fruits mûrs, etparfument les rues de la petite ville. Langueurs de l’après-midi.Le soleil brûle l’herbe des chemins, fait éclatantesde blancheur les façades des maisons crépies à la chaux.Les papillons, les guêpes volent, bourdonnent autour deschardons rouges, des sauges bleues. Ils ne se reposent pas ;le soir, il doit leur en coûter de replier leurs ailes.

Elle reste, toute seule, dans un coin frais. Les voletsjoignent mal. Un rayon de soleil s’allonge. Elle a enviede se lever, pour le casser par le milieu, comme unebaguette.

Elle feuillette de vieux livres de prix dont elle sait parcœur les illustrations. Elle frissonne un peu, venu lemoment de tourner cette page : d’étranges arbres sedressent, des tentes triangulaires se succèdent ; devant l’uned’elles, toute blanche, un nègre élève, plantée au boutd’une pique, une tête sanglante.

Vers cinq heures, la chaleur commençant à tomber,elle sort avec sa mère. On va sur la route où s’arronditl’ombre des arbres. A des tournants, on se trouve en pleinsoleil. N’ayant point d’ombrelle, elle fait, de sa mainouverte, une œillère. Elle ne peut pas regarder l’eau del’étang, pourtant d’un si joli bleu, à cause de la réverbération.Des carpes, brusquement, bondissent, avides d’air.On a juste le temps de les apercevoir. Que deviennent-elles,ensuite ? Elle n’en sait rien. Parfois, des vieux, quine peuvent pas bouger, les arrêtent. Ils disent :

— Où que vous allez comme ça, madame Panainnin ?Entrez donc : il fait plus frais chez nous que dehors.

Ou bien, on rend visite à d’autres pauvres laveuses delessives. On dit :

— Quel temps, aujourd’hui ! De l’année, on n’a pasencore eu aussi chaud !

Et l’on ajoute :

— Ça ne peut pas continuer : il va sûrement faire del’orage cette nuit !

Elle se sent, là, dépaysée. Ces maisons, qu’elle connaîtpourtant, lui sont hostiles. Elle se demande ce qu’il y adans les armoires, si les placards ont trois rayons. Lelinge, les rideaux des lits n’ont pas la même odeur quechez elle. On s’en revient par des ruelles désertes etchaudes. Il lui semble que les coqs ne chantent pascomme les jours de semaine. Elle aperçoit la place del’Hôtel-de-Ville. Leurs devantures ouvertes, les commerçantssont assis, sur le trottoir étroit, à l’ombre. Desenfants jouent. Elle entend des rires et des cris. Ellevoudrait les rejoindre, mais elle n’ose pas : elle est pauvre.Ils se moqueraient d’elle, à cause de sa jambe. On passedevant des maisons où les carreaux sont cirés et vernis :beaux tapis, fauteuils rouges, carrés de dentelle blanchesur les édredons.

Les jours d

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!