R.-L. STEVENSON

Le Mort Vivant

ROMAN

Traduit par T. de WYZEWA

PARIS

LIBRAIRIE ACADÉMIQUE DIDIER
PERRIN ET Cie, LIBRAIRES-ÉDITEURS
35, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS, 35

1905

Tous droits réservés.

DU MÊME AUTEUR:

LE REFLUX,roman, traduit par Teodor de Wyzewa, un volume in-163 fr. 50
LE ROMAN DU PRINCE OTHON,traduit par Egerton Castle, un volume in-163 fr. 50

LE MORT VIVANT

I
LA FAMILLE FINSBURY

Combien le lecteur,—tandis que, commodémentassis au coin de son feu, il s'amuse à feuilleterles pages d'un roman,—combien il se rendpeu compte des fatigues et des angoisses de l'auteur!Combien il néglige de se représenter leslongues nuits de luttes contre des phrases rétives,les séances de recherches dans les bibliothèques,les correspondances avec d'érudits et illisiblesprofesseurs allemands, en un mot toutl'énorme échafaudage que l'auteur a édifié et puisdémoli, simplement pour lui procurer, à lui,lecteur, quelques instants de distraction au coinde son feu, ou encore pour lui tempérer l'ennuid'une heure en wagon!

C'est ainsi que je pourrais fort bien commencerce récit par une biographie complète de l'ItalienTonti: lieu de naissance, origine et caractèredes parents, génie naturel (probablementhérité de la mère), exemples remarquables deprécocité, etc. Après quoi je pourrais égalementinfliger au lecteur un traité en règle sur le systèmeéconomique auquel le susdit Italien a laisséson nom. J'ai là, dans deux tiroirs de mon cartonnier,tous les matériaux dont j'aurais besoinpour ces deux paragraphes; mais je dédaigne defaire étalage d'une science d'emprunt. Tonti estmort; je dois même dire que je n'ai jamais rencontrépersonne pour le regretter. Et quant ausystème de la tontine, voici, en quelques mots,tout ce qu'il est nécessaire qu'on en connaissepour l'intelligence du simple et véridique récitqui va suivre:

Un certain nombre de joyeux jeunes gens mettenten commun une certaine somme, qui estensuite déposée dans une banque, à intérêts composés.Les déposants vivent leur vie, meurentchacun à son tour; et, quand ils sont tous mortsà l'exception d'un seul, c'est à ce dernier survivantqu'échoit toute la somme, intérêts compris.Le survivant en question se trouve être alors,suivant toute vraisemblance, si sourd qu'il nepeut pas même entendre le bruit mené autourde sa bonne aubaine; et, suivant toute vraisemblance,il a lui-même trop peu de temps à vivrepour pouvoir en jouir. Le lecteur comprend maintenantce que le système a de poétique, pour nepas dire de comique: mais il y a en même temps,dans ce système, quelque chose de hasardeux, uneapparence de sport, qui, jadis, l'a rendu cher ànos grands-parents.

Lorsque Joseph Finsbury et son frère Mastermann'étaient que deux petits garçons en culottescourtes, leur père,—un marchand aisé deCheapside,—les avait fait souscrire à une petitetontine de trente-sept parts. Chaque part était demille livres sterling. Joseph Finsbury se rappelle,aujourd'hui encore, la visite au notaire: tous lesmembres de la tontine,—des gamins comme lui,—rassemblésdans une étude, et

...

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