PAULE RÉGNIER

LA
VIVANTE PAIX

Celui-là seul avance dans la vie dont lecœur devient plus tendre, le sang plus chaudle cerveau plus vif, et dont l’esprit s’en vaentrant dans la vivante paix.

Ruskin.

PARIS
BERNARD GRASSET, ÉDITEUR
61, RUE DES SAINTS-PÈRES, PARIS (VIe)

1924

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR :

  • Octave, roman. (Épuisé).
  • Paul Drouot. (Le Divan, éditeur).

IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE : VINGT-CINQ EXEMPLAIRESSUR PAPIER JAPON FRANÇAIS NUMÉROTÉS JAPON 1 A 25 ; TRENTEEXEMPLAIRES SUR PAPIER MADAGASCAR LAFUMA NUMÉROTÉSMADAGASCAR 1 A 30, ET CENT EXEMPLAIRES SUR PAPIERVÉLIN PUR FIL LAFUMA NUMÉROTÉS VÉLIN PUR FIL 1 A 100.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservéspour tous pays.

Copyright by Bernard Grasset, 1924

A GERARD D’HOUVILLE

PREMIÈRE PARTIE

I

Lionel était le cœur d’enfant leplus démesuré que l’on pût voir,aussi Galehaut, le vaillant Seigneurdes Iles lointaines le surnomma-t-il :« Cœur sans frein… »

Lancelot du Lac.

— Il est temps de descendre, Laurence… Ehbien !… où est-elle ?…

Ayant poussé la porte d’une chambre où ellecroyait trouver feu et lumière, Ursule Tampin, nevoyant que ténèbres, s’arrêta sur le seuil. Immobile,elle s’étonnait, scrutant du regard l’ombreépaisse où l’on discernait à la longue la faible clartéde quelques braises mourant dans le foyer, et deuxpoints lumineux qui brillaient et disparaissaient àdes intervalles inégaux, selon qu’une chatte familièreouvrait ou refermait ses yeux phosphorescents. Lapièce chaude et certainement close exhalait uneétrange odeur de plein air, de feuilles mortes etd’extrême automne. Ursule, ne pouvant s’expliquerce parfum, ni la présence du chat coïncidant avecl’absence de Laurence, allait se retirer, lorsqu’unbruit singulier vint accroître encore sa surprise. Oneût dit que non loin d’elle, dans l’obscurité, quelqu’unse dégageait lentement d’un taillis épais, écartantet froissant des branchages enchevêtrés. Unevoix assourdie et comme ensommeillée demanda :

— Qu’y a-t-il ?

— Quoi, mon enfant, vous étiez là ? s’écria Ursuletout agitée ! Mais que faites-vous dans cette nuit ?On ne vous a donc pas monté votre lampe ? Nepouviez-vous sonner et la réclamer ? Les domestiquesoublient tout quand je ne suis pas derrièreeux, et je ne puis les surveiller sans cesse, vousdevez le comprendre.

La voix, maintenant plus distincte, mais toujourslente et sans intonation, reprit distraitement :

— Ma lampe est là, ma bonne Ursule. Je n’ai pasvoulu l’allumer. J’aime à rêver ainsi dans l’obscurité,cela me repose. Mais je m’étais presque endormie.Quelle heure est-il ?

— Bientôt sept heures, Laurence, je venais vousen avertir.

— Ah ! mon Dieu !

Cette fois, nulle torpeur n’alanguissait la voixsonore et vive. Des pas précipités coururent dans lapièce, dont le vieux plancher craquait. Bientôtune flamme menue et dansante apparut dans

...

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