HISTOIRE LITTÉRAIRE

D'ITALIE,

PAR P. L. GINGUENÉ,

DE L'INSTITUT DE FRANCE.

SECONDE ÉDITION,

REVUE ET CORRIGÉE SUR LES MANUSCRITS DE L'AUTEUR,
ORNÉE DE SON PORTRAIT, ET AUGMENTÉE D'UNE NOTICE HISTORIQUE
PAR M. DAUNOU.


TOME QUATRIÈME.


À PARIS,
CHEZ L. G. MICHAUD, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
PLACE DES VICTOIRES, N°. 3.
M. DCCC. XXIV.





DEUXIÈME PARTIE.




CHAPITRE Ier.

Tableau de la situation politique et littéraire de l'Italie au 16e.siècle. Influence des gouvernements italiens sur les progrès et l'éclatdes lettres et des arts. A Rome, les papes Jules II, Léon X, ClémentVII; à Florence, les grands-ducs Cosme 1er. François et Ferdinand deMédicis.

Si nous devions considérer ici l'Italie sous tous les rapports quiintéressent l'historien, le politique et le philosophe, l'examen de cequ'elle fut pendant le cours du seizième siècle nous arrêteraitlong-temps. Les événements dont elle fut le théâtre, les grandespuissances qui s'y heurtèrent, la part que prirent dans leur querelleles gouvernements italiens, les intrigues qu'ils firent jouer et cellesoù ils furent enveloppés, les changements de constitution quequelques-uns éprouvèrent, en un mot leurs vicissitudes de toute espèce,qui ne furent jamais ni plus nombreuses, ni plus rapides, fourniraientune trop ample matière de recherches et de discussions. Mais ce que cescirconstances eurent d'influence sur le sort des lettres est ce que nousdevons principalement, ou même presque uniquement examiner; et ce pointde vue, immense encore, les resserre cependant et les circonscrit.Voyons donc, comme nous l'avons fait pour les autres siècles, quelsfurent pendant celui-ci en Italie les gouvernements qui se distinguèrentpar leur amour pour les lettres, et qui s'honorèrent le plus eux-mêmesen leur accordant des encouragements et des honneurs.

L'histoire des papes avait cessé d'être celle des chefs d'une religion;elle était devenue l'histoire des souverains d'un état qui s'étaitagrandi par les effets d'une politique souvent coupable, mais constanteet toujours dirigée vers le même but au milieu des fluctuations de lapolitique des autres puissances. Les crimes d'Alexandre VI,l'assassinat, l'empoisonnement, la débauche et l'inceste, ne l'avaientpas empêché d'accroître considérablement les possessions du Saint-Siége.Les crimes de César Borgia, son fils, encore plus scélérat que lui,réunirent au domaine de l'Église les petits états dont il détruisit lesprinces par le fer et par le poison; et lorsque la nature fut enfinvengée par la mort de ce père et de ce fils, également exécrables,l'état de Rome se trouva plus grand, plus stable, plus de pair avec lesautres puissances de l'Europe qu'il ne l'avait jamais été sous les papesles plus ambitieux et sous les pontifes les plus saints.

Il ne manquait plus qu'un pape guerrier à ce trône, qui, par saconstitution singulière, prescrivait aux autres ce qu'ils devaientcroire pour lui fournir les moyens de s'élever au-dessus d'eux; JulesII, successeur presque immédiat d'Alexandre1, donna au monde cespectacle. Selon la religion, c'en était un très-scandaleux, sans doute;on vit alors le vicaire du Christ armer la France et l'Europe entièrecontre Venise dans la fameuse ligue de Cambrai; on le vit, après avoirabaissé les Vénitiens par les armes de notre bon et trop crédule roiLouis XII, se liguer contre lui avec les Vénitiens eux-mêmes, et, pourle chasser de l'Italie, pour en chasser, disait-il, tous les barbares

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