LOUIS HÉMON

ITINÉRAIRES

PARIS
BERNARD GRASSET

61, rue des Saints-Pères, 61
1927

DU MÊME AUTEUR

  • MARIA CHAPDELAINE, roman (Bernard Grasset, éditeur).
  • LA BELLE QUE VOILA (Bernard Grasset, éditeur).
  • COLIN MAILLARD, roman (Bernard Grasset, éditeur).
  • BATTLING MALONE, roman (Bernard Grasset, éditeur).

IL N’A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGEQUE CINQUANTE EXEMPLAIRES POURLES ARCHIVES DE LA MAISONGRASSET, ET NUMÉROTÉS DE 1 à 50.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptationréservés pour tous pays.

Copyright by Bernard Grasset, 1927.

ITINÉRAIRES

DE QUÉBEC A MONTRÉAL

Une gare sans prétentions, de longsquais de bois, et de chaque côté lestrains du Pacifique Canadien, qui attendent.Les bâtiments de la gare cachentQuébec ; des hommes — Canadiens anglaisou français — arrivent sans se presser,une valise unique à la main, mâchantun cigare, et s’installant n’importe où,comme s’ils prenaient un train debanlieue ; un groupe de jeunes filleséchange avec une amie qui s’en vad’interminables adieux bruyants et niais,ponctués de rires : — de sorte que cedépart de Québec est pareil à tous lesdéparts, et que la juxtaposition desdeux races rappelle seulement les scèneshabituelles à la gare du Nord ou à cellede Charing Cross, autour des trainsParis–Londres.

Mais dès que ce train-là s’est ébranléla différence se fait perceptible et tout àcoup frappante.

Les pays traversés, d’abord. Ce sontles faubourgs de Québec qui alignentdes deux côtés de notre course leursmaisons de bois, dont la rusticité neuveétonne, après les façades marquéesdes vieilles rues de la Ville-Basse.Des passages à niveau rudimentaires, à lamode américaine, laissent une visionde carrioles frustes aux quatre grandesroues égales, et derrière ces carriolesarrêtées juste à temps, des routes rudimentairesaussi, détrempées par l’automne,où les chevaux enfoncent jusqu’aujarret et s’éclaboussent jusqu’à l’épaule.Puis avec le recul nécessaire,Québec apparaît, et la haute butte dufort, que les maisons d’autrefois couvrentet entourent, conserve en se rapetissantdans le lointain presque toute sapittoresque majesté. Les lieux dont ons’éloigne ne sont presque jamais dépourvusde grâce, et leur disparitionlente à l’horizon leur prête toujours dela mélancolie ; mais pour Québec cettegrâce et cette mélancolie ne sont passeulement subjectives : elles logent àdemeure entre ses murailles, et la silhouettede la ville et du fort persistelongtemps, et poursuit longtemps, enun reproche de vieille cité fière qui afait plus que son devoir, et que ce siècle-ciqui lui doit tant semble négliger.

Lorsque Québec a disparu, les regardsreviennent naturellement vers l’entourageimmédiat, et là encore cent détailsrappellent au nouvel arrivant qu’il atraversé une mer plus vaste que laManche ; qu’il est en Amérique, enfin.

Le train est un train à couloir ; celava sans dire. Les chemins de fer canadienssont dans leur ensemble, de daterécente, presque des nouveau-nés, etil est peu probable que, libres de faireconstruire leur matériel roulant à leurgré, ils aient eu la fantaisie de copier cesblocs de guérites adossées, décorés dunom de wagons, qui grincent encore surtant de lignes de France ou d’Angleterre.Ils n’ont pas plus copié le typeque l’on a adopté en France pour leswagons à couloir, soit ce

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