L'Illustration, No. 3262, 2 Septembre 1905
Suppléments de ce numéro:
1° Quatre pages tirées à part sur la Coupe des Pyrénées.
2° Supplément musical contenant un fragmentdes «Hérétiques».
LES TROIS ARTISANS DE LA PAIX RUSSO-JAPONAISE
Leprésident Théodore Roosevelt, le baron Komura et M. Serge Witte. Troisportraits caractéristiques, d'après des photographies instantanées.
Stereograph copyright 1905 by Underwood and Underwood, London andNew-York.
Une amie m'écrit: «Vous vous plaignez d'avoir retrouvé Paris sur lesplages du Sud-Ouest? Alors, remontez au nord et suivez la côte bretonne.Il y a bien là encore, pour la femme sauvage que vous êtes, quelquescoins à éviter et, si les élégances de Biarritz vous ont fait peur, jedoute que celles de Dinard vous séduisent. A Dinard aussi, voustrouverez une nature terriblement pomponnée, ratissée, truquée; trop demagasins à l'instar de Paris; tout l'implacable attirail des grandesvillégiatures mondaines... Mais n'allez pas jusque-là. Simplementpromenez-vous, en deçà de Saint-Enogat, le long de ce délicieux morceaude littoral qui va du cap Fréhel à Saint-Lunaire. Là vraiment voussavourerez la volupté d'ignorer Paris pendant quelques jours, ce quivous sera une bonne façon de vous préparer à le mieux raimer le moisprochain.»
J'ai suivi le conseil qu'on me donnait. Je connaissais un peu ce pays;j'y suis retournée, et depuis une semaine j'ai vécu selon mon rêve, eneffet,--au milieu de braves gens venus ici, comme moi, pour s'y abrutirdélicieusement dans la contemplation d'un horizon d'émeraude; pour yregarder du matin au soir la vague ourler d'écume les granits noirs dela plage silencieuse, en ne pensant à rien du tout.
J'avais emporté des livres, je ne les lis pas. Et mes voisins d'hôtelont les poches bourrées de journaux dont ils oublient de déchirer lesbandes. Qu'est-ce que cela nous fait, ce qui se passe hors d'ici? Onn'imagine pas quelle distance prodigieuse il y a entre Paris et telscoins d'univers que sépare à peine du boulevard un trajet de dix heuresd'express et comme l'attrait de ce qu'on appelle «des nouvelles»s'amoindrit, se banalise, se dénature au cours de certains voyages... Onm'apporte à la plage mon journal tous les matins. Et, tandis qu'autourde moi les enfants jouent, construisent des forts dans le sable et que,tout là-bas, l'eau dort parmi les rochers nus ou mugit doucement dansl'effort de travail qui la ramène, comme à lentes enjambées, versl'alignement rose et blanc de nos cabines, je regarde ce que dit, ce quefait Paris... Déplacements ministériels... Assemblée générale desactionnaires du Printemps... L'escroc Gallay ramené de Bahia... Aucourrier des théâtres: le directeur du Gymnase vient d'engager je nesais qui; celui du Vaudeville nous fait connaître le programme de sasaison. Pourquoi ces choses, qui m'intéressaient il y a quinze jours, nem'intéressent-elles plus? Je n'éprouve même pas le besoin d'en vouloir àM. Bérard, contre qui je vois qu'une campagne furieuse est engagée parquelques journaux. On reproche à ce haut fonctionnaire d'ac