Produced by Mireille Harmelin, Pierre Lacaze and the Online

Distributed Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net.This file was produced from images generously made availableby the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica)

ROMANS

DE
EDMOND ET JULES DE GONCOURT

GERMINIE LACERTEUX

PARISG. CHARPENTIER ET Cie, ÉDITEURS11, RUE DE GRENELLLE, 11

1889

PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION

Il nous faut demander pardon au public de lui donner ce livre, etl'avertir de ce qu'il y trouvera.

Le public aime les romans faux: ce roman est un roman vrai.

Il aime les livres qui font semblant d'aller dans le monde: ce livrevient de la rue.

Il aime les petites œuvres polissonnes, les mémoires de filles, lesconfessions d'alcôves, les saletés érotiques, le scandale qui seretrousse dans une image aux devantures des libraires: ce qu'il va lireest sévère et pur. Qu'il ne s'attende point à la photographie décolletéedu Plaisir: l'étude qui suit est la clinique de l'Amour.

Le public aime encore les lectures anodines et consolantes, lesaventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sadigestion ni sa sérénité: ce livre, avec sa triste et violentedistraction, est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à sonhygiène.

Pourquoi donc l'avons-nous écrit? Est-ce simplement pour choquer lepublic et scandaliser ses goûts?

Non.

Vivant au dix-neuvième siècle, dans un temps de suffrage universel, dedémocratie, de libéralisme, nous nous sommes demandé si ce qu'on appelle«les basses classes» n'avait pas droit au Roman; si ce monde sous unmonde, le peuple, devait rester sous le coup de l'interdit littéraire etdes dédains d'auteurs qui ont fait jusqu'ici le silence sur l'âme et lecœur qu'il peut avoir. Nous nous sommes demandé s'il y avait encore,pour l'écrivain et pour le lecteur, en ces années d'égalité où noussommes, des classes indignes, des malheurs trop bas, des drames trop malembouchés, des catastrophes d'une terreur trop peu noble. Il nous estvenu la curiosité de savoir si cette forme conventionnelle d'unelittérature oubliée et d'une société disparue, la Tragédie, étaitdéfinitivement morte; si, dans un pays sans caste et sans aristocratielégale, les misères des petits et des pauvres parleraient à l'intérêt,l'émotion, à la pitié, aussi haut que les misères des grands et desriches; si, en un mot, les larmes qu'on pleure en bas pourraient fairepleurer comme celles qu'on pleure en haut.

Ces pensées nous avaient fait oser l'humble roman de Sœur Philomène,en 1861; elles nous font publier aujourd'hui Germinie Lacerteux.

Maintenant, que ce livre soit calomnié: peu lui importe. Aujourd'hui quele Roman s'élargit et grandit, qu'il commence à être la grande formesérieuse, passionnée, vivante, de l'étude littéraire et de l'enquêtesociale, qu'il devient, par l'analyse et par la recherche psychologique,l'Histoire morale contemporaine, aujourd'hui que le Roman s'est imposéles études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer leslibertés et les franchises. Et qu'il cherche l'Art et la Vérité; qu'ilmontre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris;qu'il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont lecourage de voir, ce que les reines autrefois faisaient toucher de l'œilà leurs enfants dans les hospices: la souffrance humaine, présente ettoute

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!