JEANNE LA FILEUSE—Épisode de l'Émigration Franco-Canadienne auxÉtats-Unis—Première édition 1878—Duexième édition—Montréal, 1888.
LE VIEUX MONTRÉAL, 1611-1803—Album historique, chronologique ettopographique de la ville de Montréal depuis se fondation—13 planchesen couleurs—Dessins de P. L. Morin—Montréal, 1884.
MELANGES—Trois Conférences—Montréal, 1888.
LETTRES DE VOYAGE—France—Italie—Sicile—Malte—Tunisie—Algérie—Espagne—Montréal, 1889.
SIX MOIS DANS LES MONTAGNES ROCHEUSES—Colorado—Utah—NouveauMexique—Édition illustrée—Montréal, 1890.
La légende qui suit a déjà été publiée dans la Patrie, il y aquelque dix ans, et en anglais dans le Century Magazine de NewYork, du mois d'août 1892, avec illustrations par Henri Julien.On voit que cela ne date pas d'hier. Le récit lui-même est basésur une croyance populaire qui remonte à lépoque des coureursdes bois et des voyageurs du Nord-Ouest. Les “gens de chantier”ont continué la tradition, et c'est surtout dans les paroissesriveraines du Saint-Laurent que l'on connaît les légendes dela chasse-galerie. J'ai rencontré plus d'un vieux voyageur quiaffirmait avoir vu voguer dans l'air des canots d'écorce remplisde “possédés” s'en allant voir leurs blondes, sous l'égide deBelzébuth. Si j'ai été forcé de me servir d'expressions plus oumoins académiques, on voudra bien se rappeler que je mets en scènedes hommes au langage aussi rude que leur difficile métier.
Pour lors que je vais vous raconter une rôdeuse d'histoire, dans lefin fil; mais s'il y a parmi vous autres des lurons qui auraientenvie de courir la chasse-galerie ou le loup-garou, je vous avertisqu'ils font mieux d'aller voir dehors si les chats-huants font lesabbat, car je vais commencer mon histoire en faisant un grand signede croix pour chasser le diable et ses diablotins. J'en ai eu assezde ces maudits-là dans mon jeune temps.
Pas un homme ne fit mine de sortir; au contraire tous serapprochèrent de la cambuse où le cook finissait son préambule etse préparait à raconter une histoire de circonstance.
On était à la veille du jour de l'an 1858, en pleine forêt vierge,dans les chantiers des Ross, en haut de la Gatineau. La saison avaitété dure et la neige atteignait déjà la hauteur du toit de la cabane.
Le bourgeois avait, selon la coutume, ordonné la distribution ducontenu d'un petit baril de rhum parmi les hommes du chantier, et lecuisinier avait terminé de bonne heure les préparatifs du fricot depattes et des glissantes pour le repas du lendemain. La mélassemijotait dans le grand chaudron pour la partie de tire qui devaitterminer la soirée.
Chacun avait bourré sa pipe de bon tabac canadien, et un nuage épaisobscurcissait l'intérieur de la cabane, où un feu pétillant de pinrésineux jetait, cependant, par intervalles, des lueurs rougeâtresqui tremblotaient en éclairant par des effets merveilleux declair-obscur, les mâles figures de ces rudes travailleurs des grandsbois.
Joe le cook était un petit homme assez mal fait, que l'onappelait assez généralement le bossu,