I
O la splendeur de notre joie
Tissée en or dans l'air de soie!
Voici la maison douce et son pignon léger,
Et le jardin et le verger.
Voici le banc, sous les pommiers
D'où s'effeuille le printemps blanc,
A pétales frôlants et lents.
Voici des vols de lumineux ramiers
Planant, ainsi que des présages,
Dans le ciel clair du paysage.
Voici, pareils à des baisers tombés sur terre
De la bouche du frôle azur,
Deux bleus étangs simples et purs,
Bordés naïvement de fleurs involontaires.
O la splendeur de notre joie et de nous-mêmes,
En ce jardin où nous vivons de nos emblèmes.
II
Quoique nous le voyions fleurir devant nos yeux
Ce jardin clair où nous passons silencieux,
C'est plus encor en nous que se féconde
Le plus candide et doux jardin du monde.
Car nous vivons toutes les fleurs,
Toutes les herbes, toutes les palmes
En nos rires et en nos pleurs
Le bonheur pur et calme.
Car nous vivons toutes les transparences
De l'étang bleu qui reflète l'exubérance
Des roses d'or, et des grands lys vermeils,
Bouches et lèvres de soleil.
Car nous vivons toute la joie
Dardée en cris de fête et de printemps,
En nos aveux, où se côtoient
Les mots fervents et exaltants.
Oh! dis, c'est bien en nous que se féconde
Le plus joyeux et doux jardin du monde.
III
Ce chapiteau barbare, où des monstres se tordent,
Soudés entre eux, à coups de griffes et de dents,
En un tumulte fou de sang, de cris ardents,
De blessures et de gueules qui s'entre-mordent,
C'était moi-même, avant que tu fusses la mienne,
O toi la neuve, ô toi l'ancienne!
Qui vins à moi, du fond de ton éternité
Avec, entre les mains, l'ardeur et la bonté.
Je sens en toi les mêmes choses très profondes
Qu'en moi-même dormir,
Et notre soif de souvenir
Boire l'écho, où nos passés se correspondent.
Nos yeux ont dû pleurer aux mêmes heures
Sans le savoir, pendant l'enfance;
Avoir mêmes effrois, mêmes bonheurs,
Mêmes éclairs de confiance;
Car je te suis lié par l'inconnu
Qui me fixait, jadis, au fond des avenues
Par où passait ma vie aventurière;
Et, certes, si j'avais regardé mieux,
J'aurais pu voir s'ouvrir tes yeux
Depuis longtemps, en ses paupières.
IV
Le ciel en nuit s'est déplié
Et la lune semble veiller
Sur le silence endormi.
Tout est si pur et clair,
Tout est si pur et si pâle dans l'air
Et sur les lacs du paysage ami,
Qu'elle angoisse, la goutte d'eau
Qui tombe d'un roseau
Et tinte, et puis se tait dans l'eau.
Mais j'ai tes mains entre les miennes
Et tes yeux sûrs, qui me retiennent,
De leurs ferveurs, si doucement;
Et je te sens si bien en paix de toute chose
Que rien, pas même un fugitif soupçon de crainte,
Ne troublera, fût-ce un moment,
La confiance sainte
Qui dort en nous comme un enfant repose.
V
Chaque heure, où je songe à ta bonté
Si simplement profonde,
Je me co