ÉDOUARD DE PERRODIL
TRAVERSÉE
DE
L’ALGÉRIE A BICYCLETTE
PARIS
ERNEST FLAMMARION, ÉDITEUR
26, RUE RACINE, PRÈS L’ODÉON
Tous droits réservés.
A LA MÊME LIBRAIRIE
DU MÊME AUTEUR
A VOL DE VÉLO
DE PARIS A VIENNE
Un volume in-18 à 3 fr. 50.
VÉLO ! TORO !
DE PARIS A MADRID EN BICYCLETTE
Illustrations de Farman.
Un volume in-18 à 3 fr. 50.
ÉMILE COLIN — IMPRIMERIE DE LAGNY
A TRAVERS LES CACTUS
Traverser l’Algérie à bicyclette, de l’ouestà l’est, tel était le projet. Et ce projet allaitêtre mis à exécution en pleine chaleur africaine.
— Vous êtes fou, m’avait-on dit partout.Il faut aller en Algérie, oui, parfait ; mais aumois de septembre, jamais ! La chaleur y batencore son plein, puis gare les poussiéreusesfondrières creusées par les troupeaux nombreuxqui parcourent les routes algériennes.C’est en février ou mars qu’il faut faire unpareil trajet.
Je m’étais mis dans l’idée de partir, etnulle éloquence au monde n’eût pu m’extirperce projet du cerveau.
Le sort devait, pour cette expédition nouvelle,me donner un autre compagnon quelors de mes précédents voyages. Tous ceuxqui, en effet, avaient déjà partagé mes émotionsdurant mes courses aventureuses,étaient cette fois retenus à Paris et dans l’impossibilitécomplète de se joindre à moi.
Le nouveau compagnon d’aventures, à quije proposai cette chaude expédition, acceptéedu reste par lui avec un empressement quimontrait bien à quel point il ignorait lesfâcheux moments que l’on est parfois obligéde passer durant ce genre de pérégrinations,se nommait Albert Van Marke. Vingt-deuxans seulement.
C’était un sujet belge, originaire de labonne ville de Liège. Et je vous prie depenser que c’était bien du sang belge quicoulait dans ses veines. Quand un vol dedémons tourbillonnants ou de guêpesatteintes de folie eussent aiguillonné moncompagnon, ses mouvements n’en eussentpas été accélérés d’une ligne, sauf toutefoislorsqu’il se trouvait sur sa machine où ilredevenait naturellement un excellentcycliste, capable de fournir une vitesse fortraisonnable. Mais une fois redescendu !
Toujours le dernier sorti de sa chambrele matin ; toujours le dernier à table, le dernierpartout. Bienheureux Belge ! L’impossibilitépersonnifiée.
Très robuste du reste, les épaules carrées,outrageusement. Et brun, brun, presquenègre ; la tête toujours inclinée, à tel pointque lorsqu’il desserrait les dents pour exprimerune pensée, il semblait toujours confierun secret à sa cravate. Il fallait lui fairerégulièrement répéter ses phrases, ce quiparfois me mettait dans un état nerveux desplus accentués.
Mais, brave garçon dans l’âme, oh ! oui,brave garçon. Une fois, par suite d’une gaminerieque je lui avais à plusieurs reprisesreprochée, il faillit causer la mort violented’un malheureux Arabe ; ce fut de ma part lemotif d’une explosion de colère qui le mitdans un état épouvantable durant toute lajournée ; il me suivit comme un chien fidèle,n’osant seulement exprimer une parole, lamine déconfite, l’œil peureux.
J’ai dit : rien n’excitait