En 1734, l'abbé Sallier, homme savant et judicieux, prononça pour lapremière fois le nom d'un poëte qui peut passer à bon droit pour undes plus élégants et des plus accomplis parmi ceux de notre vieillelangue1. La parole du docte académicien qui exhumait Charles d'Orléansaprès trois siècles d'oubli, semble avoir eu un faible retentissement;ceci ne nous surprend pas. D'abord, la description et quelques extraitsdu manuscrit étaient insuffisants à mettre dans sa lumière unpersonnage si nouveau; puis, la critique d'alors, à peu près uniquementcirconscrite dans les limites de l'érudition grecque et latine, sesouciait peu d'un poëte à peine âgé de quelques centaines d'années.Évidemment l'époque était mal choisie pour une réhabilitation. Enremontant un peu plus haut, Boileau, a-t-on dit maintes fois, n'a pasnommé Charles d'Orléans; ceci prouve que Boileau, esprit d'un tactexquis, n'avait pas lu un seul vers du recueil que nous publionsaujourd'hui. Mais si dans tout cela une chose doit étonner, c'est lesilence incompréhensible des écrivains du seizième siècle.
Note 1: (retour) Mém. de l'Acad. des Inscrip. t, XIII, année1740, p. 593.
Petit-fils de Charles V, le roi lettré de l'ancienne monarchie, neveude Charles VI, père de Louis XII et oncle de François Ier, Charlesd'Orléans fut le chef d'une faction puissante qui ébranla la Francependant un demi-siècle; il poursuivit sans relâche le meurtrier de sonpère assassiné rue Barbette par Jean de Bourgogne; il vécut au premierrang dans les guerres civiles; enfin, lui et les siens se trouventmêlés à tous les désordres, à toutes les agitations de l'époque laplus troublée des temps modernes. Certes, il faudrait moins que celaaujourd'hui pour illustrer de mauvais vers, et on se demande pourquoiles poésies si remarquables d'un homme qui réunissait d'ailleurs toutesles conditions apparentes de la célébrité, sont restées dans l'ombre?François Ier faisait publier les ouvrages de Villon, et il oublia sononcle, le maître de Villon. Octavien de Saint-Gelais, Blaise d'Auriolet les poëtes de ce temps pillaient effrontément Charles d'Orléans,les compilateurs prenaient ses ballades2, et personne ne signale leplagiat. Bien plus, Marot a dit: «Entre tous les bons livres imprimez dela langue françoise, ne s'en veoit ung si incorrect, ne si lourdementcorrompu, que celluy de Villon: et m'esbahy, veu que c'est lemeilleur poète parisien qui se trouve3. Cependant, et Marot lesavait sans doute mieux que nous4, Charles d'Orléans composa certainesde ses ballades avec une délicatesse de pensée et une perfection delangage que Villon n'atteignit jamais; il fut en outre l'instigateurd'un grand mouvement littéraire où Marot a tenu assurément une despremières et des plus larges places.
Note 2: (retour) Voyez le Jardin de Plaisance, où se trouvent,mêlées à d'autres poésies du temps, deux ballades de Ch. d'Orléans.
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