Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.
PAR
ALBERT DELPIT
.... Une guerre encore plus que
civile, une cité grande entre les
cités, tournant d'une main furieuse
le fer des siens contre son
cœur!
(Lucain: La Pharsale).
DEUXIÈME ÉDITION
PARIS
PAUL OLLENDORFF, ÉDITEUR
28 bis, RUE DE RICHELIEU, 28 bis
1886
Tous droits réservés
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE:
Cinquante exemplaires numérotés à la presse
20 exemplaires sur papier du Japon | 1 à 20 |
30 exemplaires sur papier de Hollande | 21 à 50 |
A MON CONFRÈRE ET AMI
FRANCIS MAGNARD
Février 1886.
PREMIÈRE PARTIE
..... Une guerre encore plus
que civile, une cité grande
entre les cités, tournant d'une
main furieuse le fer des siens
contre son cœur!
(Lucain: La Pharsale.)
Le bataillon défilait lentement le long de la ruede Rivoli; en tête, le drapeau rouge, suivi d'une musiquecriarde. Peu de monde aux fenêtres. A peinequelques curieux, çà et là, les mains dans les poches,regardant ces hommes qui s'en allaient à laboucherie. Une petite vendeuse de violettes, adosséecontre un magasin, ouvrait ses yeux étonnés,pendant qu'un marchand grommelait tout bas«contre ces gens qui empêchaient les affaires demarcher». De temps en temps passait un officier,au visage rouge, aux paupières injectées, engoncédans son uniforme galonné. Il disparaissait vite parune rue latérale, poursuivi par des gamins qui 4criaient. Les promeneurs, très rares, pressaient lepas, vaguement inquiets. Chez les soldats, rien dece qui relève le moral d'hommes marchant aucombat. Tristes, sombres, muets, ils allaient, lefront baissé, n'osant pas se regarder les uns les autres,comme si chacun craignait de voir dans lesyeux de son voisin le reflet de ses terreurs lugubres.
Au loin, on battait la générale. Un roulementsourd, adouci par la distance, avec quelque chosede funèbre et d'alangui. On eût dit le rappel descondamnés. Et c'étaient des condamnés, en effet,forcés de défendre une cause perdue. Un voile demélancolie semblait épandu sur la cité, flottant surles fronts et les consciences. Tout ce monde portaitle deuil de quelqu'un ou de quelque chose:peut-être d'un espoir écroulé.
A quelque distance de l'Hôtel de ville, une centained'hommes se joignaient au bataillon. Des enragés,ceux-là, trompés sans doute par les proclamationsmenteuses de la Commune. Il suffisait de voir