RAINER MARIA RILKE
TRADUCTION DE
MAURICE BETZ
PARIS
ÉDITIONS ÉMILE-PAUL FRÈRES
14, RUE DE L’ABBAYE, VIe
1927
OUVRAGES DE RAINER MARIA RILKE
TRADUITS PAR MAURICE BETZ
OUVRAGES DE MAURICE BETZ
Il a été tiré de cet ouvrage :
Quarante exemplaires sur japon impérial,
numérotés de 1 à 40 ;
Soixante-quinze exemplaires
sur hollande Van Gelder, numérotés de 41 à 115 ;
Deux cents exemplaires sur pur fil Lafuma,
numérotés de 116 à 315 ;
Mille exemplaires sur papier alfa,
numérotés de 316 à 1315,
constituant l’édition originale.
Copyright by Éditions Émile-Paul frères, 1927.
Tous droits réservés pour tous pays.
MON AMIE, UN JOUR J’AI DÉPOSÉ CE LIVREENTRE VOS MAINS, ET VOUS L’AVEZ AIMÉ COMMEPERSONNE AVANT VOUS. AINSI ME SUIS-JE HABITUÉA PENSER QU’IL VOUS APPARTENAIT. SOUFFREZDONC QUE J’ÉCRIVE NON PAS SEULEMENT DANSVOTRE LIVRE, MAIS DANS TOUS LES LIVRES DECETTE ÉDITION NOUVELLE, — QUE J’ÉCRIVE :
LES HISTOIRES DU BON DIEU
APPARTIENNENT A ELLEN KEY.
RAINER MARIA RILKE
ROME, AVRIL 1904.
Dernièrement, un matin, je rencontrai mavoisine. Nous nous saluâmes.
— Quel automne ! dit-elle après un silence,et leva les yeux au ciel.
Je fis de même. La matinée était en effettrès claire, et délicieuse pour une matinéed’octobre. Tout à coup quelque chose merevint à l’esprit.
— Quel automne ! m’écriai-je et agitai unpeu les mains.
Et ma voisine approuva d’un hochement detête. Je l’observai pendant un moment. Sabonne figure bien portante allait et venait sigentiment. Elle était toute claire ; autour deslèvres et aux tempes seulement, il y avait depetits plis d’ombre. D’où pouvait-elle donctenir cela ? Et, à l’improviste, je demandai :
— Et vos fillettes ?
Les rides de son visage disparurent uneseconde, puis se ramassèrent, presque plussombres.
— Elles se portent bien, Dieu merci, mais…
Ma voisine se mit en mouvement, et je marchaià sa gauche, selon l’usage.
— Savez-vous, elles ont toutes deux l’âgeoù les enfants posent des questions, du matinau soir. Pourquoi, du matin jusqu’à la nuit ?
— Oui, murmurai-je, il y a une période…
Mais elle ne se laissait pas troubler :
— Et pas seulement des questions comme :Où va ce tramway ? Combien d’étoiles y a-t-il ?Dix mille, est-ce plus que beaucoup ? Mais biend’autres choses encore ! Par exemple : Est-ceque le bon Dieu parle aussi chinois ? ou bien :Le bon Dieu, comment est-il ? Toujours toutsur le b