TABLE |
PÂQUES D’ISLANDE
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
DU MÊME AUTEUR | |
LA CHANSON DE LA BRETAGNE, poésies (Ouvrage couronné par l’Académie française) | 1 vol. |
AU PAYS DES PARDONS | 1 — |
PAQUES D’ISLANDE (Ouvrage couronné par l’Académie française) | 1 — |
LE GARDIEN DU FEU | 1 — |
LE SANG DE LA SIRÈNE | 1 — |
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E. GREVIN—IMPRIMERIE DE LAGNY
ANATOLE LE BRAZ
PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
3, RUE AUBER, 3
A MA SŒUR
MADAME JEANNE-MARIE MARILLIER
{1}
A M. Paul Calmann Lévy.
Roc’h-Vélen (la Roche-Jaune) est un hameau de quelques maisons basseséparses sur les deux flancs d’un ravin, à l’entrée de la rivière deTréguier. Des petites fenêtres à bordure de granit, fleuries en été deglycines, de tournesols et d’hortensias, on a vue sur l’estuaire, vastelac de mer apaisée, que des chapelets d’îles protègent contre lestumultes du large. Le flot, à l’heure du reflux, découvre le long desberges de hautes assises de roches brunes d’où pendent les ruisselanteschevelures de goémons aux tons d’or, qui ont vraisemblablement fait{4}donner son nom au village. La population, peu nombreuse, se composesurtout de marins en retraite, vieux quartiers-maîtres, ancienscaboteurs, venus s’installer là pour y jouir de leurs derniers soleils,près de cette mer intérieure, assagie comme ils le sont eux-mêmes, maisqui les berce encore de son murmure et les pénètre de son parfum.
Curieuses physionomies, d’un relief peu commun, celles de ces coureursd’océans, retirés des aventures, qui, sur les seuils de Roc’h-Vélen,passent les jours à échanger des commentaires, en suivant du regard lesbarques qui montent ou descendent, dans une immobilité de sages et decontemplateurs. Je fus, il y a quelque deux ans, l’hôte de l’un d’eux.Il s’appelait Jean-René Kerello, mais il n’était guère connu dans larégion que sous le nom de Cloarec Kersuliet,—Kersuliet désignant sonlieu d’origine, et cloarec, qui veut dire «clerc», étant un titre quel’on décerne volontiers en Bretagne, non sans une sorte de respectsuperstitieux, aux personnes réputées pour avoir quelque teinture delettres.—Le père Kerello avait fait des études: il avait suivi les{5}cours du collège, à Tréguier, et se souvenaît, selon son expression,«