Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays
y compris la Suède et la Norvège.
Les pages qu'on va lire ont paru dansla Vie parisienne. Je suis persuadé qu'ellesy ont été fort goûtées, car on y trouve, àchaque ligne, cette touche élégante etlégère qui a fait et fait encore la grâce dece charmant journal. Elles portaient alorsla signature de Bénédick, et aucun nomn'était mieux choisi pour l'écrivain quise propose de pénétrer les fantasques etmystérieux vouloirs de la femme. Aujourd'huiBénédick disparaît et rend à Bradace qui lui appartient. Ce nom, popularisépar des œuvres romanesques, discrètement[Pg ii]aristocratiques et délicatement morales,attirera aux Notes sur Londres un nouveaupublic. J'ose prédire que, sous laforme du volume, elles vont prendre unesignification nouvelle et une valeur d'ensemblequi, jusqu'ici, n'avait pu êtresoupçonnée.
Comme les lecteurs des articles, leslecteurs du volume apprécieront les milleimpressions dont il est plein: les fragmentsde vie populaire, de vie mondaineou de vie intime, aperçus çà et là, lestypes humains saisis dans la foule etnotés au passage, les paysages londoniens,esquissés d'un crayon rapide mais fin etsûr, avec un sentiment si original et sijuste que ceux qui les voient tous lesjours croient les comprendre et les sentirpour la première fois. Mais le charme, lacuriosité du livre, le thème favori qui[Pg iii]revient, de page en page, c'est l'étuded'un phénomène contemporain fort étrangequi à l'heure actuelle révolutionne l'Angleterrede fond en comble, tout simplement.Phénomène si nouveau qu'il n'apas encore de nom et que, si vous voulez,nous allons en inventer un, séance tenante.Dirons-nous que c'est la déféminisation,ou la masculinisation, ou la garçonnificationde la femme anglaise? Ledernier de ces trois barbarismes est celuiqui me sourit le plus. Nous dirons doncque la femme anglaise est en train de segarçonnifier et que Brada nous met aucourant de cette bizarre opération.
C'était jadis un vieil axiome de droitconstitutionnel, chez nos voisins, que leparlement pouvait tout, excepté faire unhomme d'une femme. Nous avons changétout cela: aujourd'hui, même sans le[Pg iv]secours du parlement, l'Anglaise travailleà changer de sexe afin de s'émanciper.
J'assiste à ce travail depuis quelquesannées. Je m'en suis d'abord amusé;maintenant je m'en effraye. J'ai cru quec'était une plaisanterie, ou une pose, ouune mode; peut-être, la toquade de quelquespauvres déséquilibrées, fruits secsde l'amour et du mariage; peut-être,encore, la réclame de quelques intrigantesqui ne peuvent espérer le succès que dansle coup de revolver de l'excentricité. Maisnon, cela dure et cela gagne, cela s'installeet ressemble maintenant à un faitsocial; il faut l'accepter ou le combattre,mais il n'y a pas moyen de le nier. Cequi est inouï, ce qu'on ne croirait jamaissi on ne le constatait tous les jours, c'estque ce changement semble modifier nonseulement l'état moral et les manières de[Pg v]la femme, mais jusqu'à son développementphysiologique. Les signes extérieursde la féminité disparaissent là où l'intellectualitéà outrance fait ses ra