LA PRÉSENTE ÉDITION
DES
ŒUVRES COMPLÈTES DE GUY DE MAUPASSANT
A ÉTÉ TIRÉE
PAR L’IMPRIMERIE NATIONALE
EN VERTU D’UNE AUTORISATION
DE M. LE GARDE DES SCEAUX
EN DATE DU 30 JANVIER 1902.
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CETTE ÉDITION
100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE
SAVOIR:
60 exemplaires (1 à 60) sur japon ancien.
20 exemplaires (61 à 80) sur japon impérial.
20 exemplaires (81 à 100) sur chine.
Le texte de ce volume
est conforme à celui de l’édition originale: Le Horla
Paris, Paul Ollendorff, 1887,
moins Sauvée déjà publiée dans la Petite Roque
avec addition de:
Le Voyage du Horla—Un Fou (inédits).
Le Horla (version première inédite).
ŒUVRES COMPLÈTES
DE
GUY DE MAUPASSANT
LE HORLA
LE VOYAGE DU HORLA
UN FOU?
LE HORLA (VERSION PREMIÈRE)
PARIS
LOUIS CONARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR
17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17
MDCCCCIX
Tous droits réservés.
8 mai.—Quelle journée admirable! J’ai passé toute la matinée étendusur l’herbe, devant ma maison, sous l’énorme platane qui la couvre,l’abrite et l’ombrage tout entière. J’aime ce pays, et j’aime y vivreparce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, quiattachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, quil’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme auxnourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, auxodeurs du sol, des villages et de l’air lui-même.
J’aime ma maison où j’ai grandi. De mes fenêtres, je vois la Seine quicoule, le long 4 de mon jardin, derrière la route, presque chez moi,la grande et large Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateauxqui passent.
A gauche, là-bas, Rouen, la vaste ville aux toits bleus, sous le peuplepointu des clochers gothiques. Ils sont innombrables, frêles ou larges,dominés par la flèche de fonte de la cathédrale, et pleins de clochesqui sonnent dans l’air bleu des belles matinées, jetant jusqu’à moileur doux et lointain bourdonnement de fer, leur chant d’airain quela brise m’apporte, tantôt plus fort et tantôt plus affaibli, suivantqu’elle s’éveille ou s’assoupit.
Comme il faisait bon ce matin!
Vers onze heures, un long convoi de navires, traînés par un remorqueurgros comme une mouche, et qui râlait de peine en vomissant une fuméeépaisse, défila devant ma grille.
Après deux goélettes anglaises, dont le pavillon rouge on