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ROMAIN ROLLAND

L'ÂME ENCHANTÉE

II

L'ÉTÉ

SEPTIÈME ÉDITION

LIBRAIRIE OLEENDORFF

50, CHAUSSÉE D'ANTIN, PARIS

TABLE DE MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
TROISIÈME PARTIE


To strive, to seek, not to find, and not yield


PREMIÈRE PARTIE

Dans le demi-jour de la chambre aux volets tirés, assise sur son lit,d'un peignoir blanc vêtue, Annette souriait. Sa chevelure défaite,qu'elle venait de laver, lui couvrait les épaules. Par la fenêtreouverte, s'étalait immobile la chaleur d'or d'un après-midi d'août;sans le voir, on sentait au dehors la torpeur du jardin de Boulogne,dormant sous le soleil. Annette participait à cette béatitude. Ellepouvait rester des heures, étendue, sans bouger, sans penser, sansbesoin de penser. Il lui suffisait de savoir qu'elle était deux; etelle ne faisait même pas l'effort de causer avec le «tout-petit» quiétait en elle, parce qu'(elle en était sûre) il sentait ce qu'ellesentait, ils s'entendaient sans parler. Des ondes de tendresse passaientdans la somnolence heureuse de son corps. Et puis, elle replongeait dansle sourire endormi.

Mais si l'esprit était assoupi, les sens avaient gardé unemerveilleuse clairvoyance, ils suivaient au fil des instants les plusfines vibrations de l'air et de la lumière... Une suave odeur de fraisedans le jardin... Elle s'en délectait, du nez et de la langue. Sonoreille amusée goûtait les moindres bruits, les feuilles frôlées parun souffle, le sable foulé par un pas, une voix dans la rue, une clochequi sonnait vêpres. Et le grondement qui monte de la grandefourmilière: Paris en 1900... L'été de l'Exposition. Dans la cuve duChamp de Mars, fermentaient au soleil des milliers de grappeshumaines... Assez loin, assez près du monstrueux bouillonnement poursentir sa présence et pour être protégée, Annette jouissait, parcontraste, de l'ombre et de la paix du nid. Vaines agitations! Lavérité habite en moi...

Son ouïe, subtile, et distraite, comme celle d'un chat, happait l'unaprès l'autre tous les bruits qui passaient, et paresseusement leslaissait retomber; elle saisit, à l'étage au-dessous, le timbre de laporte d'entrée, et reconnut les petits pas de Sylvie, toujourscourante. Annette eût mieux aimé rester seule. Mais elle était sisolidement installée dans sa félicité que, n'importe qui viendrait,rien ne pourrait la troubler.

Il y avait huit jours seulement que Sylvie était avertie. Depuis leprintemps dernier, elle était restée sans nouvelles de sa sœur. Uneaventure personnelle, sans beaucoup l'émouvoir, l'avait assez occupéepour ne pas lui laisser remarquer la longueur du silence. Mais quand,l'affaire liquidée, elle s'était retrouvé l'esprit libre et le tempsd'y songer, elle commença de s'inquiéter. Elle vint aux nouvelles,chez la tante de Boulogne. Elle fut bien surprise d'apprendre qu'Annetteétait revenue, et depuis si longtemps. Elle se disposait à rabrouerl'oublieuse; mais Annette lui ménageait d'autres sujets d'étonnement:avec une émotion voilée, elle lui avait conté tout unimentl'histoire. Sylvie eut grand-peine à l'écouter jusqu'au bout.Qu'Annette, la sage Annette, eût fait cette folie et qu'elle serefusât ensuite au mariage, non, ça, c'était inouï, elle ne letolérerait pas!... Cette petite Lucrèce était scandalis

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