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VICTOR HUGO

PAR

THÉOPHILE GAUTIER

PARIS
BIBLIOTHÈQUE—CHARPENTIER
EUGÈNE FASQUELLE, ÉDITEUR
11, RUE DE GRENELLE, 11
1902

Table


«Si j'avais le malheur de croire qu'un vers de Victor Hugon'est pas beau, je n'oserais pas me l'avouer à moi-même,tout seul, dans une cave, sans chandelle.»

THÉOPHILE GAUTIER

I

1830

1830!... Les générations actuelles doivent se figurer difficilementl'effervescence des esprits à cette époque; il s'opérait un mouvementpareil à celui de la Renaissance. Une sève de vie nouvelle circulaitimpétueusement. Tout germait, tout bourgeonnait, tout éclatait à lafois. Des parfums vertigineux se dégageaient des fleurs; l'air grisait,on était fou de lyrisme et d'art. Il semblait qu'on vînt de retrouverle grand secret perdu, et cela était vrai, on avait retrouvé la poésie.

On ne saurait imaginer à quel degré d'insignifiance et de pâleur enétait arrivée la littérature. La peinture ne valait guère mieux. Lesderniers élèves de David étalaient leur coloris fade sur les vieuxponcifs gréco-romains. Les classiques trouvaient cela parfaitementbeau; mais devant ces chefs-d'œuvre, leur admiration ne pouvaits'empêcher de mettre la main devant la bouche pour masquer unbâillement, ce qui ne les rendait pas plus indulgents pour les artistesde la jeune école, qu'ils appelaient des sauvages tatoués et qu'ilsaccusaient de peindre avec «un balai ivre». On ne laissait pas tomberleurs insultes à terre; on leur renvoyait momies pour sauvages, etde part et d'autre on se méprisait parfaitement.

En ce temps-là, notre vocation littéraire n'était pas encore décidée;notre intention était d'être peintre, et, dans cette idée, nous étionsentré à l'atelier de Rioult.

On lisait beaucoup alors dans les ateliers. Les rapins aimaient leslettres, et leur éducation spéciale, les mettant en rapport familieravec la nature, les rendait plus propres à sentir les images et lescouleurs de la poésie nouvelle. Ils ne répugnaient nullement auxdétails précis et pittoresques si désagréables aux classiques. Habituésà leur libre langage entremêlé de termes techniques, le mot propren'avait pour eux rien de choquant. Nous parlons des jeunes rapins,car il y avait aussi les élèves bien sages, fidèles, au dictionnairede Chompré et au tendon d'Achille, estimés du professeur et cités parlui pour exemple. Mais ils ne jouissaient d'aucune popularité, etl'on regardait avec pitié leur sobre palette où ne brillait ni vertvéronèse, ni jaune indien, ni laque de Smyrne, ni aucune des couleursséditieuses proscrites par l'Institut.

Chateaubriand peut être considéré comme l'aïeul, ou, si vous l'aimezmieux, comme le Sachem du Romantisme en France. Dans le Génie duChristianisme il restaura la cathédrale gothique; dans les Natchez,il rouvrit la grande nature fermée; dans René, il inventa lamélancolie et la passion moderne. Par malheur, à cet esprit si poétiquemanquaient précisément les deux ailes de la poésie—le vers—ces ailes,Victor Hugo les avait, et d'une envergure immense, allant d'un boutà l'autre du ciel lyrique, il montait, il planait, il décrivait descercles, il se jouait avec une liberté et une puissance qui rappelaientle vol de l'aigle.

Quel temps merveilleux! Walter Scott était alors dans toute sa fleur desuccès; on s'initiait aux mystères du Faust de Gœthe, qui contienttout, selon l'expression de Mme de Staël, et

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